Précarité, pauvreté, surexploitation pour un salaire minimum légal !
Précarité, pauvreté, surexploitation pour un salaire minimum légal !
«A gauche toute!» débat, sur le plan national, du lancement dune initiative fédérale visant à inscrire dans la Constitution le droit à un salaire minimum garantissant des conditions de vie décentes à toute personne exerçant une activité salariée. Une décision sur le lancement de cette initiative sera prise à lautomne. Quelle est lactualité de cette proposition?
Selon les résultats de lEnquête suisse sur la population active 2004, le taux de working poor sélève à 6,7%, soit 211 000 personnes en situation de pauvreté laborieuse. Un chiffre qui sinscrit dans un contexte daugmentation générale de la précarité. Les salarié-e-s à temps partiel, avec horaires flexibles et des contrats de durée déterminée, ont plus de risque de devenir pauvres. Plus de 80% des salarié-e-s à temps partiel sont des femmes. Le nombre de salarié-e-s occupant des emplois dits «atypiques» a fortement augmenté: par exemple, celles et ceux qui ont au moins deux emplois, ou alors qui sont au bénéfice de contrats de travail de durée déterminée ou encore qui sont soumis à des horaires flexibles. 42% des salarié-e-s sont soumis au régime de lhoraire flexible, 5% travaillent sur appel dont 60% ne disposent daucune garantie dhoraire hebdomadaire minimale.
Le travail intérimaire et celui en sous-traitance connaissent un véritable boom, si bien que le travail temporaire est devenu un facteur significatif de la réduction du taux de chômage officiel. II est possible de parler dun passage quasi direct de la situation de chômage à des formes demploi précaires. Cette hypothèse est confirmée notamment par le fait quau cours de ces dernières années, les personnes «sous-occupées», cest-à-dire celles qui travaillent moins quun temps plein mais désirent en fait travailler plus, vont en nombre croissant. Leur augmentation a été de 18% au cours des dix dernières années. Parmi ces travailleurs-euses pauvres, un grande majorité sont des femmes.
Pressions sur les salaires
Ces changements sur le marché du travail la flexibilité qui sy est installée ont des conséquences en matière de santé psychique et physique pour les personnes concernées par ces nouvelle formes demploi: augmentation du stress, de la fatigue au travail et de toutes les formes de contrainte, notamment du mobbing. Elles ont également un effet direct sur lévolution des salaires: certains secteurs, particulièrement frappés par la crise, subissent des diminutions de salaires importantes.
De manière générale, le pouvoir dachat stagne et, à lheure actuelle, des différences importantes en matière de rémunération se creusent entre les branches et entre les salarié-e-s eux-mêmes. On constate en outre une forte réduction du salaire à lembauche qui pénalise fortement les jeunes salarié-e-s dans leur premier emploi Ces baisses ne concernent pas seulement les personnes touchant des bas salaires pour des travaux peu ou non qualifiés, mais également le niveau des salaires en vigueur dans des branches entières. Les mécanismes mis en place par la Loi sur lassurance-chômage constitue un rouage essentiel de cette politique: pression pour accepter un travail dit «convenable» et diminution de revenu liée au montant de lindemnité de chômage.
Sur le plan financier, cette précarité a des conséquences dramatiques: aux bas revenus sajoutent souvent une absence de couverture en terme dassurance, avant tout pour ce qui a trait aux accidents, professionnels ou non, à lincapacité de travail en cas de maladie et au chômage. Par ailleurs les revenus sont irréguliers et peuvent varier de semaine en semaine. En ce qui concerne les vacances, une indemnité sur le salaire horaire est garantie très souvent. II existe certes des périodes de non travail qui ne peuvent en aucun cas être assimilées à des «vacances», au sens de vacances payées. II nest guère étonnant que la très grande majorité de ces salarié-e-s à bas revenus soit contrainte de faire de lourds sacrifices pour financer la formation dun-e adolescent-e ou soffrir un minimum de loisirs.
Quel salaire minimum?
La situation des working poor est emblématique de loffensive menée par les employeurs pour baisser les salaires dans le but daccroître encore leur marge bénéficiaire. En 2005 les bénéfices des entreprises ont progressé en moyenne de 23%, les salaires eux ont stagné. Evidemment, pas celui de Marcel Ospel, président de lUnion des banques suisses, dont la rémunération a augmenté de 12,7% par rapport à 2004, soit quelque 24 millions annuellement ou 66 000 Fr. par jour, samedi et dimanche compris!
La mise en place dun salaire minimum légal est une première réponse pour mettre un frein à cette spirale à la baisse des salaires. Il sagit dancrer dans la Constitution le droit fondamental à un salaire minimum, cest-à-dire à un seuil minimum au-dessous duquel il nest pas permis de descendre. Dans la mesure où ce droit social est admis, le législateur devra adopter une loi dapplication, dans laquelle pourrait alors figurer un système de pondération du salaire minimum en fonction du produit intérieur brut (PIB) par habitant, voir du PIB cantonal par habitant. La loi fédérale fixera un montant minimum au niveau national (par exemple, autour des 4000 Fr. net), les cantons ayant la compétence de ladapter vers le haut. Ce salaire minimum constituera un point de départ et non un point darrivée. Il tiendra compte des différences régionales et de branches ainsi que des salaires fixés dans les conventions collectives. Le droit à un salaire minimum sera reconnu à toute personne exerçant une activité salariale, quelle que soit sa nationalité et indépendamment de son statut au regard la police des étrangers.
Jean-Michel DOLIVO